L’article ci-dessous a été rédigé par Laurence Richard, Consultant & Auditeur AQ/Vigilance (voir ci-dessous).
Pour les laboratoires exploitant et/ou titulaire, le chapitre 4 des BPPV précise les rôles et obligations du titulaire ou de l’exploitant, conformément aux « good pharmacovigilance practices » (GVP) européennes. Des modifications de ce chapitre ont été implémentées. Plutôt que de changements fondamentaux des attentes de l’ANSM par rapport aux titulaires/exploitants, il s’agit davantage d’un alignement avec les exigences européennes déjà décrites dans les GVP en vigueur.
Les modifications apportées concernent :
- Les définitions
- Les modalités de déclaration à l’ANSM et le rôle du RPV
- Le contenu du PSMF
- Les situations particulières
- La gestion des demandes d’information médicale potentiellement lié à un cas de pharmacovigilance
- La notification aux autorités d’un signal urgent de sécurité
- Le contenu des PSUR/PBRER
- Les mesures de réduction de risque
- L’évaluation du rapport bénéfice/risque
- Le système de management de la qualité
On note également une petite coquille dans la section 4.35 qui devrait faire référence à la section 4.33 plutôt qu’à la section 4.31…
Voyons maintenant ces modifications dans le détail et ce qu’elles impliquent pour les industriels.
1. Les définitions
Dix nouvelles définitions font leur apparition, neuf ont été modifiées et une a été retirée/remplacée.
Les nouvelles définitions les plus marquantes sont :
- Le terme de « Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU) » a été retiré et est remplacé par le « Cadre de Prescription Compassionnelle (CPC) ».
- L’ « Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) » qui devient l’ « Autorisation d’Accès Compassionnelle (AAC) ou l’« Autorisation d’Accès Précoce (AAP) ».
- Le « Document source » fait son apparition. A noter qu’un rapport de conversation téléphonique répond à cette définition. Attention donc aux prises de notes (manuscrites ou non) générées lors de la réception d’un appel téléphonique qui sont à considérer comme un document source et qui doivent être gérées en tant que tel.
- L’ « erreur médicamenteuse marquante » qui constitue un ou plusieurs cas d’erreurs médicamenteuses pouvant constituer un signal potentiel et portée(s) à la connaissance de l’ANSM.
- La « pseudonymisation ». On ne parle donc plus d’anonymisation !
- L’ « interaction médicamenteuse ».
Les définitions modifiées les plus marquantes sont :
- L’« effet indésirable grave ». En effet, la transmission d’agent infectieux via un médicament, car considéré comme médicalement significatif, est classée en EIG.
- Les termes d’« erreur médicamenteuse » et « abus de médicament » ont été aussi modifiés mais plus sur la forme que sur le fond…
Il convient alors de passer en revue l’ensemble de ses dispositions qualité (procédures, support de formation, contrats, etc.) et mettre à jour les définitions en conséquence.
2. Les modalités de déclaration à l’ANSM et le rôle du RPV
Les modalités de déclaration du Responsable de pharmacovigilance ont changé. La notification de l’identité, la qualité et les coordonnées du RPV et du QPPV ne sont plus communiquées dès leur nomination au Directeur général de l’ANSM par courrier/courriel mais via la plateforme « démarche simplifiée » accessible depuis le site internet de l’ANSM.
Le laboratoire exploitant doit aussi s’assurer que celles du QPPV sont communiquées par le(s) titulaire(s) des AMM des produits qu’il exploite à l’EMA par l’intermédiaire de la base de données « Article 57 ». En d’autres termes, le laboratoire exploitant doit avoir à sa disposition les enregistrements correspondants.
Une précision a été apportée quant au fait que le RPV doit s’assurer de la mise à jour régulière de l’information sur les médicaments ou produits au regard des données de PV recueillies, et évaluées et des connaissances scientifiques actuelles. Il convient donc de mettre à jour sa fiche de fonction en conséquence.
3. Le contenu du PSMF
Nous savons déjà que la liste des contrats conclus entre exploitants et/ou titulaires d’AMM doit figurer dans le PSMF. Il est aussi maintenant requis d’indiquer :
- Les responsabilités, rôles, modalités de fonctionnement – une matrice/tableau des rôles et responsabilités par activités PV permettrait de répondre à ce point.
- Les spécialités concernées.
- Les dates des audits de ces organismes réalisés sur les cinq dernières années.
Il en est de même aujourd’hui pour les sous-traitants PV pour lesquels il est nécessaire d’indiquer les dates des audits réalisés sur les cinq dernières années.
4. Les situations particulières
L’usage détourné est maintenant officiellement inclus dans les situations particulières listées en section 4.13. Plutôt qu’une nouveauté, nous parlerons ici d’un alignement avec les GVP européennes.
5. La gestion des demandes d’information médicale potentiellement lié à un cas de pharmacovigilance
Des précisions ont été apportées en ce qui concernent le suivi et les investigations menées visant à obtenir les quatre critères de validation d’un cas PV.
D’une part, les informations transmises directement par un patient ou un usager doivent être médicalement confirmées, cela devant être dûment documenté.
D’autre part, la méthodologie de suivi et de collecte des informations manquantes doit être définie. En d’autres termes, il est nécessaire de définir dans son système/sa procédure la manière dont ce suivi est mis en place : le nombre de relances et leur fréquence, les moyens de ces relances (courriel, téléphone, courrier, etc.). Enfin, la traçabilité de ces échanges doit être assurée.
6. La notification aux autorités d’un signal urgent de sécurité
Afin de s’aligner avec les GVP européennes, l’adresse électronique de l’EMA a été ajoutée pour la notification sous 3 jours ouvrables après validation des signaux urgents de sécurité pouvant entraîner une modification du rapport bénéfice/risque d’une spécialité et nécessitant une communication urgente auprès des patients et des professionnels de la santé. L’adresse électronique de l’ANSM a aussi été ajoutée.
7. Le contenu des PSUR/PBRER
Les signalements d’erreur ou de risque d’erreur médicamenteuses doivent être pris en compte dans le cadre du suivi de la sécurité d’emploi (surveillance des prescriptions ou utilisations non conformes de médicament) et de l’évaluation du rapport bénéfice/risque.
Les erreurs médicamenteuses avérées ayant entraîné ou non un effet indésirable doivent être prises en compte et évaluées dans les PSUR.
Les GVP européennes précisaient déjà ce point.
8. PGR
L’ANSM introduit dans ce nouveau texte la notion d’évaluation par l’exploitant de l’efficacité des mesures de réduction de risque mises en place, pour les risques importants identifiés ou potentiels ou qui sont fixées comme condition de l’AMM. Il est donc nécessaire que les titulaires impliquent les exploitants français dans cette évaluation pour les mesures mises en place en France.
9. Evaluation du rapport bénéfice/risque
Le guide de signalement par les entreprises d’une prescription ou utilisation non conforme de médicament est dorénavant référencé dans le texte.
La section 4.34 a été modifiée afin de souligner le fait que le titulaire d’AMM/exploitant n’a pas d’obligation à déclarer:
- Les erreurs médicamenteuses sans effet indésirable au Guichet Erreurs Médicamenteuses de l’ANSM.
- Les abus ou pharmacodépendance de médicaments contenants une substance psychoactive aux centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A).
10. SMQ
L’ANSM a précisé ses attentes en termes de documentation, celles-ci étant déjà décrites dans les GVP européennes. En effet, l’exploitant doit disposer d’un système documentaire reposant sur une politique qualité, un manuel qualité le cas échéant, des procédures écrites et des enregistrements.
Enfin, outre le fait que les résultats d’indicateurs/contrôles qualité doivent être documentés donc archivés, le lien entre un résultat non conforme et le processus de gestion des conformités/déviations est clairement établi. En d’autres termes, en cas de résultats non-conformes, une non-conformité doit être ouverte afin de corriger la déviation, investiguer et implémenter une action corrective/préventive le cas échéant !
L’auteur
Laurence Richard a créé Vipharma en novembre 2022 afin de mettre son expertise au service des industries pharmaceutiques.
Son parcours professionnel de 12 années lui a permis d’occuper des postes à responsabilités en assurance qualité chez des fabricants des dispositif médicaux de classe III et en pharmacovigilance au sein d’une société prestataire de services.
Elle a mis en œuvre plus de 100 audits à son actif dans le monde en pharmacovigilance principalement et agit en tant que consultant au profit de ses clients.
Grâce à son expérience professionnelle et à ses différentes formations, Laurence a une connaissance approfondie des requis réglementaires français et européens relatifs à la pharmacovigilance, la mise à jour de l’information des médicaments, et des conséquences d’une mésinformation.